Le monde d’après, c’est quand ?

Je le ressens depuis quelques temps mais cela s’est très nettement accéléré au cours des dernières semaines. Dans mes échanges réguliers avec les paloises et les palois, j’ai un indicateur assez simple : qui vient me parler et pour me dire quoi ? Et en creux, il y a donc aussi des absences et des silences qui sont tout aussi instructifs. 

Au fil des années, j’ai appris, au prisme de ce terreau local, à me faire une idée assez précise de l’air du temps, de la « couleur » du moment. Ah, qu’il doit être difficile de décrypter une actualité – comme aujourd’hui la réforme des retraites – sans avoir ce lien direct avec des personnes qui ne pensent pas toutes les mêmes choses, qui n’ont pas eu le même itinéraire, la même vie. 

Mais de quelle nature est cette accélération ? On me parle du travail comme jamais. Notamment des conditions de travail, de son sens, de sa nature. On me livre des détails sur les métiers, dans le public et le privé. Des souvenirs professionnels. Des joies et des plaisirs. Des épreuves et des souffrances. 

Le débat sur notre système de retraites a ouvert une très large discussion dans le pays tout entier sur le travail et c’est un événement considérable. Car, quant au parle du travail, on peut aborder beaucoup de sujets. Très divers et qui, au final, conduisent invariablement à une seule et même question : dans quelle société voulons-nous vivre ? Avec quels objectifs et quels moyens pour les atteindre ? 

Autre dimension, tout aussi impactante, après l’expérience inédite et sidérante de la pandémie, des confinements, de notre rapport aux autres, et aussi celle des grands bouleversements climatiques, si visibles et concrets désormais à l’échelle de nos territoires, la question d’un avenir humain et environnemental soutenable est dans toutes les têtes. Comment y répondre ? Avec quelles adaptations, bifurcations, ruptures ? « Le monde d’après », c’est déjà fini ou alors on s’en occupe ? 

Voilà, il me semble, la plus grande difficulté pour le pouvoir actuel (politique et économique) : ils sont du monde d’avant, ils pensent et agissent comme avant. Comme si de rien n’était. Comme si toutes ces questions n’étaient pas dans les consciences. Comme si rien ne s’était passé, en janvier, dans les rues des grandes et des petites villes. Comme si les résultats financiers des grandes entreprises, qui seront annoncés cette semaine, ne provoquaient pas une légitime exigence pour une autre répartition des richesses. Comme si.. Comme si…
Alors oui, E. Borne fait des micro-concessions, ici à la droite, là aux frondeurs de sa majorité de plus en plus relative, mais elle ne répond pas à l’essentiel : est-il possible de penser le futur avec des réponses neuves ? En écartant ce qui a déjà tant de fois échoué, en prenant en considération ce que veut le plus grand nombre : la justice réelle, celle qui libère et qui répond aux défis vertigineux et passionnants d’une nouvelle époque.

Image par Brigitte Werner de Pixabay.