Deux projets de retenues d’eau destinées à l’irrigation agricole en Poitou-Charentes ont été annulés mardi par la justice administrative qui a pointé leur inadaptation aux effets du changement climatique, une décision qualifiée de « grand soulagement » par les opposants aux « mégabassines ».
Des associations locales de défense de l’environnement, alliées à l’UFC Que Choisir et à la Confédération paysanne dans la Vienne, ainsi qu’à la Ligue de protection des oiseaux, ont obtenu gain de cause devant le tribunal administratif de Poitiers, qui a annulé les arrêtés préfectoraux de 2021 autorisant des projets qui visaient à créer quinze réserves dites de substitution d’une capacité totale d’environ trois millions de mètres cubes.
Le principe de ces réserves consiste à prélever de l’eau dans les nappes superficielles en hiver, pour la mettre à disposition d’agriculteurs irrigants en été. Ces retenues sont très contestées dans la région, où des manifestations d’opposants, interdites par les autorités, ont donné lieu à de violents affrontements avec les forces de l’ordre à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Le litige portait ici sur neuf retenues prévues sur les bassins de l’Aume et de la Couture dans les départements de la Charente, Charente-Maritime et des Deux-Sèvres, et six autres dans le sous-bassin de la Pallu (Vienne).
Pour Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines non merci, cette décision de justice est un « grand soulagement » et « une très bonne nouvelle pour tous ceux qui se battent pour l’eau et contre les mégabassines ». La Confédération paysanne estime dans un communiqué que « ce jugement légitime pleinement la demande de moratoire sur les mégabassines » et que « tous les projets et toutes les mégabassines doivent cesser immédiatement ».
Une première décision épingle des « inexactitudes, omissions et insuffisances » dans l’étude d’impact environnemental des neuf bassines programmées dans le bassin Aume-Couture, qui ont eu « pour effet de nuire à l’information complète de la population ». Le tribunal considère par ailleurs que « le projet n’est pas associé à de réelles mesures d’économie d’eau et ne tient pas compte des effets prévisibles du changement climatique ». Dans la Vienne, les juges pointent un « sur-dimensionnement du projet » en termes de volumes d’eau à prélever pour remplir les réserves, au regard de ce que le milieu hydrologique local « est capable de fournir dans des conditions écologiques satisfaisantes » et compte tenu des « effets prévisibles du changement climatique ». Le tribunal conclut à « une erreur manifeste d’appréciation » de la préfecture « dans la mise en œuvre du principe de gestion équilibrée et durable de la ressource ».
Dans un communiqué, la préfecture de la Vienne a annoncé qu’elle ferait appel de cette décision. La préfecture de la Vienne estime que les motifs invoqués par le tribunal « interrogent » alors même que l’État « s’est engagé à respecter et faire appliquer les résultats de l’étude Hydrologie, milieux, usages et climat (HMUC) », censée fixer les volumes prélevables « en tenant compte de l’évolution climatique ». Bertrand Lamarche, président de la société coopérative anonyme de gestion de l’eau de La Pallu, a déclaré au quotidien La Nouvelle République que les irrigants de la zone feraient « certainement » appel eux aussi.
Lire le jugement du Tribunal administratif de Poitiers
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