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Hausse mondiale de la criminalisation des mobilisations pour l’écologie : en France, les violences policières soulignées

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Par Audrey Bonn avec Goodplanet.info


Dans une étude publiée cette semaine, l’Université de Bristol compare les mesures de criminalisation de l’activisme environnemental et climatique dans plusieurs pays du monde. En France, le bilan fait état de violences policières particulièrement prononcées. 

Une hausse mondiale des manifestations pour la planète 

Ces dernières années, la prise de conscience environnementale s’est exprimée par une multiplication des manifestations pour l’environnement et le climat dans le monde. Cette augmentation s’est accompagnée « [d’]une criminalisation et [d’]une répression croissante » à l’échelle globale, affirme Oscar Berglund, Maître de conférences en politique publique et sociale internationale à l’école d’études politiques de l’université de Bristol. Il est l’auteur principal de l’étude, intitulée Criminalisation et répression des manifestations climatiques et environnementales qui s’appuie sur les statistiques de l’ACLED et de l’ONG britannique Global Witness. Sur 14 pays étudiés entre 2012 et 2023, il ressort que 20 % des manifestations aboutissent à des arrestations, et 3 % à des violences policières en moyenne.  

Mobilisations pour l’environnement et pour le climat, deux familles distinctes

L’étude distingue deux types de manifestations écologiques. Tout d’abord, les mobilisations environnementales, qui concernant plutôt des causes locales. « Inhérentes au capitalisme et à l’industrialisation » selon le rapport, les manifestations environnementales sont menées par des habitants qui se mobilisent contre l’extraction sur leurs terres et pour l’accès aux ressources essentielles comme l’eau. Les communautés locales sont les premières actrices de ces mobilisations. Elles ont particulièrement lieu dans les pays du Sud, en Australie ou au Pérou par exemple.  

Les mobilisations climatiques sont un second type de mobilisation qui représente la plupart des manifestations menées aujourd’hui dans les pays du Nord. « Non-violentes mais disruptives », elles ont « augmenté depuis les années 2010 » note le rapport. Cette hausse s’explique par une prise de conscience croissante de la population concernant le changement climatique.  

En France, les mobilisations pour la planète restent faibles

En France pourtant, l’environnement mobilise peu. Ainsi, les mobilisations environnementales ne représentent que 0,4 % des manifestations dans l’Hexagone. Leur nombre demeure également faible dans les autres pays étudiés, sans doute car la plupart des enjeux et des conflits sont locaux. En France, les mobilisations très médiatisées de « Sainte-Soline » en sont pourtant une illustration, explique Oscar Berglund. En effet, « il s’agit d’une mobilisation contre un projet spécifique », les mégabassines, et pour la protection des ressources en eau. Quant aux mobilisations climatiques, elles ne représentent que 3 ,8 % des manifestations en France, contre 13 % en Allemagne ou 16,8 % au Royaume-Uni.   

L’étude prend en compte toutes les manifestations dont les revendications ont trait au climat, que ce soit pour sa défense ou au contraire pour s’opposer à des mesures environnementales. On constate alors qu’en France, la contestation de l’action climatique mobilise. En effet, 8 % des manifestations sont menées par des mouvements comme Extinction Rebellion ou Greenpeace, et un tiers par des « groupes comme les Jeunes Agriculteurs » et d’autres syndicats agricoles.  

Différents acteurs et types de violence impliqués dans la criminalisation de l’activisme vert

A la hausse globale des mobilisations climatiques et environnementales répond « une augmentation de la criminalisation et de la répression », explique Oscar Berglund. La réponse aux manifestations « varie beaucoup en fonction des pays » et n’est pas toujours étatique. Ainsi, plus de 2000 activistes écologistes ont été assassinés dans le monde entre 2012 et 2023, selon les données de Global Witness. L’Inde, le Brésil, les Philippines et le Pérou sont les pays étudiés qui comptent « le plus d’incidents violents ».  Au Brésil, 401 manifestants pour le climat et l’environnement ont été assassinés, dont 39% par des tueurs à gages. Toutefois, « en Inde et au Pérou, la police était impliquée dans respectivement 47% et 55% des meurtres », note le rapport. En France, Rémi Fraisse est la seule victime, tué en 2014 par une grenade des forces de l’ordre. 

Les Etats usent également des arrestations contre les manifestants pour le climat et l’environnement. Selon le rapport, c’est en Australie que leur proportion est la plus haute (20,1%) . Suivent le Royaume-Uni (16,8%) et la Norvège (15,1%). Il s’agit également des pays étudiés avec la proportion la plus haute de manifestations climatiques, à l’exclusion de l’Allemagne. 

En France, les violences policières premier symptôme de la criminalisation 

Selon l’étude, la France se situe dans une deuxième catégorie de pays où les taux d’arrestation sont plus faibles, mais où la proportion de violences policières est plus haute. Leur proportion, 3,2 %, y est égal au taux d’arrestations, ce qui la distingue des autres « pays considérés libres et démocratiques ».  

Ces résultats sont à prendre dans leur contexte, rappelle Oscar Berglund. Les données sont obtenues via « la couverture médiatique » des évènements, et ne concernent que les violences commises par les forces de l’ordre dans les manifestations elles-mêmes. En règle générale, « il est évidemment bien plus dangereux d’être un militant écologiste au Brésil qu’en France », rappelle-t-il. 

L’urgence d’ « inverser » la tendance 

Selon les auteurs de l’étude, « la criminalisation des manifestations pour l’environnement et le climat doit cesser » et même « s’inverser dans une certaine mesure ».  C’est au niveau de la législation que doit s’effectuer ce changement radical : la police doit « agir avec plus de tolérance envers les manifestants pour le climat et l’environnement », préconise Oscar Berglund. Son travail rappelle qu’en France, des législations récentes ont justifié l’arrestation de militants écologistes. Par exemple, ceux des Soulèvements de la Terre à Sainte-Soline.  La gouvernement a notamment utilisé la loi contre le séparatisme de 2021 pour dissoudre le mouvement en juin 2023. Le Conseil d’Etat a annulé la décision la même année. 

Selon l’étude, les gouvernements doivent développer une législation se concentrant « sur la lutte contre le changement climatique et la destruction environnementale, au lieu de criminaliser et réprimer les acteurs qui y appellent ». Pour ce faire, le rapport recommande l’arrêt des législations criminalisant les mouvements environnementaux. Il appelle aussi les gouvernements à protéger leurs citoyens contre la violence non-étatique, notamment dans les pays où l’activisme écologique peut conduire à la mort quand il gêne des intérêts privés. 

Enfin, les chercheurs en sciences politiques estiment que les mécanismes de consultation et de « démocratie délibérative », comme une analyse plus poussée des projets d’extraction et de leurs conséquences sur les habitants, ont un rôle majeur à jouer dans la réduction des violences.


Les citations d’Oscar Berglund et extraites du rapport ont été traduites de l’anglais.


Image : https://x.com/lessoulevements

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