« Loin de Paris », vise à rendre visible ce qui l’est trop peu : les ruralités. Ce premier ouvrage inaugure la collection « Raconter les territoires »(*) coordonnée par Salomé Berlioux et Félix Assouly respectivement fondatrice et directeur du plaidoyer de l’association Rura qui a pour objectif « d’informer, d’accompagner et de promouvoir la jeunesse des territoires ruraux et des petites villes ». Vingt-six autrices et auteurs les entourent, proposant chacune et chacun un texte original sur leurs expériences, leurs sensations, leurs vécus « loin de Paris ». Ce titre parle de lui-même et suggère des lieux éloignés, cachés, niés parfois, sauf quand s’installent autour des ronds-points des nuées de gilets jaunes. Le livre dévoile des tranches de vie où s’entremêlent des satisfactions, des réflexions, des interrogations aussi sur les moyens de faire connaître la vie rurale dans sa diversité.
« Dans ma bagnole », « Au pays de la débrouille », « Jeune et rural », « Rester, partir, revenir ? » , « Crampons, ruralité et lien social », « Le reste du monde n’existe pas », « Madame le Maire », « On n’est pas nulle part ici ! » , « Ce que le national devrait savoir du rural » … Les titres de chaque contribution sont autant de promesses de lecture, autant de témoignages où l’on croise des élus, un médecin, des auteurs et écrivains, des essayistes, des agents publics et des cadres, des entrepreneurs, des sportifs, des artistes, des chercheurs, des commerçants. Cette somme forme un tout « aussi dense et complexe que les territoires de France et permet de distinguer, un peu, ce qui fait le commun de ceux qui y vivent » estime Salomé Berlioux et Félix Assouly. Un voyage qui, de la Nièvre à Saint-Pierre-et-Miquelon, s’attache à déconstruire un certain nombre d’images véhiculées sur la ruralité. Chiffres à l’appui : 60 % de la population française réside hors des grandes villes et de leurs banlieues. Et le monde rural n’est composé que de 6 % de paysans. « Réduire la ruralité à l’agriculture, c’est donc créer 94 % d’invisibles » proclament les deux responsables de Rura. L’association veut accompagner « 10 millions de jeunes (ruraux) qui partagent un quotidien, des préoccupations, des contraintes, une communauté de destin ; et qui, pourtant, l’ignorent », trop éloignés des opportunités académiques, professionnelles, culturelles et citoyennes afin « qu’ils aient les mêmes chances de réaliser leur potentiel que ceux des grandes métropoles ».
« Loin de Paris» donne une place conséquente à l’existence des services publics « « incarnation concrète de la vie bonne en société, manifestation quotidienne de la solidarité institutionnalisée, patrimoine immatériel de la nation » qui font aujourd’hui défaut en milieu rural, comme le montre Émilie Agnoux, co-fondatrice du laboratoire d’idées Sens du Service public.
Mais tout ceci ne peut s’appréhender pleinement sans aborder les politiques nationales et européennes et l’austérité imposée par les gouvernements successifs. La désindustrialisation et une concentration agricole qui va de pair avec l’augmentation des effets pervers du productivisme ne peuvent être détachées des orientations de la politique agricole commune et d’une mondialisation qui ne profite qu’à une minorité.
Ce livre de bonne tenue aurait gagné à traiter plus de ces questions. Il n’y a en effet aucune fatalité aux difficultés des campagnes, ni à celles des habitants des quartiers populaires.

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