« Vu du Béarn », la chronique d’Olivier Dartigolles. Comme chaque samedi, j’aime retrouver l’ambiance des Halles à Pau. L’itinéraire est toujours le même. Les premiers pas rue Saint-Jacques, la place de la Libération, la place Albert 1er puis la rue d’Orléans pour rejoindre le carreau des Halles et enfin le bistrot du même nom. C’est autant de moments pour croiser des visages familiers, échanger avec des paloises et des palois. Ici, on aime bien la politique. Ça discute. Depuis quelques temps, je m’aperçois d’une chose : il n’est quasiment plus question de l’avenir dans ces discussions impromptues. Le futur s’est évaporé. Porté disparu. Où est-il ? Qui a réglé son compte au futur ?
Les difficultés du quotidien, à commencer par celle du pouvoir d’achat, écrasent tout. Ce samedi, une retraitée me dit ceci : « on nous explique qu’il faut se préparer à faire des efforts mais quand on doit tout calculer, tous les jours, c’est déjà un sacré effort non ? ». Vu de Pau, un samedi matin, le discours macronien sur la fin de l’opulence et de l’insouciance n’est pas apprécié. Mais alors pas du tout. Les prochaines factures d’énergie, de gaz et d’électricité, provoquent une vraie angoisse. Il est aussi question de la rentrée scolaire. Un peu de l’environnement. Presque pas de l’Ukraine. Bien évidemment, tout cela est subjectif, glané au fil de mes déambulations paloises.
Reste cette question d’un futur qui n’est plus là. Il y a beaucoup d’éléments et autant de complexité pour expliquer ce manque de projection, cette perte du goût, du sel, de la saveur du lendemain. Dans ce Cluedo « Qui a tué l’avenir », le capitalisme et ses serviteurs réussissent à faire passer le présent comme un répit puisque le futur n’est plus qu’une menace. Regardez comment Emmanuel Macron et sa majorité jouent toutes les notes d’un solfège anxiogène, des « pénuries à venir » aux « efforts » qu’il faudra consentir, pour faire accepter l’existant, pour avancer vers de nouvelles contre-réformes, pour empêcher un vrai débat sur d’autres possibles au nom des «compromis » dans le cadre de l’ordre dominant.
Ils sont prêts à tout pour imposer ce renoncement à une dimension indispensable à la vie. Rêver, espérer, imaginer. Prêts à voler des mots, comme celui de « réformes », mais ils n’auront pas celui du CNR. La Résistance à la Refondation macronienne a rendez-vous le week-end prochain lors de la Fête de l’Humanité. Il sera aussi question de penser l’avenir, de le construire. La société française dispose de ressources considérables pour faire le choix de l’avenir contre celui des peurs. Regardez combien la passion de l’égalité réelle reste vivante, rebondissant d’une actualité à l’autre.
L’avenir n’est pas mort. Mais il faut s’en occuper sans plus… tarder.