« Vu du Béarn », la chronique d’Olivier Dartigolles. Imaginons une estive. En vallée d’Aspe. Une fin de journée. Un berger y fait paître son troupeau. Quand soudain, la quiétude est déchirée par l’arrivée tonitruante d’un Land Rover. Vous ne connaissez pas cette histoire d’expertise ? Je vous la raconte.
Dans un nuage de poussière, le 4/4 s’arrête. Le chauffeur descend. Un jeune homme dans un complet Armani, chaussure Gucci, lunettes Ray-Ban, cravate Hermès. On devine la carte professionnelle « Mac Kinsey ». Il interpelle le berger.
« Si je peux vous dire exactement combien de moutons il y a dans votre troupeau, m’en donnerez-vous un ? »
Le berger regarde le jeune homme et le troupeau qui broute paisiblement.
« Bah, si vous voulez… »
Le jeune homme ouvre alors son ordinateur portable. Il le branche à son téléphone cellulaire, navigue sur internet. Il va sur la page de la Nasa puis communique avec un système de navigation par satellite. Il balaie la région en quelques clics, ouvre une base de données incroyable, de quelque 30 fichiers Excel avec des formules algorithmiques extrêmement complexes. Puis, il sort une dizaine de pages de son imprimante miniaturisée. Il s’adresse au berger et lui dit :
« Vous avez exactement 878 montons dans votre troupeau ! »
« C’est exact » répond le berger. « Vous pouvez en prendre un ».
Il regarde le jeune homme faire son choix, assurer sa prise, et la mettre à l’arrière du véhicule. Et il interpelle à son tour le jeune homme : « si je devine avec précision ce que vous faites comme métier, vous me rendez ma bête ? »
« Oui, pourquoi pas… ».
« Vous êtes expert ! Vous faites des audits et du conseil »
« Oui, c’est exact mais comment avez-vous deviné mon activité »
« C’est facile ! Vous débarquez ici alors que personne ne l’a demandé. Vous voulez être payé pour avoir répondu à une question dont je connais déjà la réponse et dont tout le monde se fout. Et, manifestement, vous n’y connaissais rien au métier. Et maintenant, rendez-moi mon chien ».
En retrouvant cette histoire sur les réseaux sociaux (merci à Roland Gori), j’ai pensé à mes amis du côté d’Urdos. Juste après le fort du Portalet, ils fabriquent un excellent fromage de chèvre. Impossible de compter les biquettes. Elles sont très indisciplinées quand elles gambadent entre le gave et les sommets. Quant à attraper l’un des chiens pour le mettre dans un coffre de voiture, bon courage…
Il y a quelques années, il y avait un magnifique Patou. Un jour, installé dans une bergerie à Arros, j’ai essayé de le divertir de sa tâche ancestrale avec un joli os de côte de bœuf. Il a eu une hésitation mais il est retourné à son activité de garde. Au milieu du troupeau où il avait été introduit dès sa naissance.
Et pour prolonger sur le thème des spécialistes, nous avons la magnifique chanson de Ferré écrite par Caussimon.
Image by Pete Linforth from Pixabay.
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