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Mayotte. Les vents d’un cyclone et du colonialisme

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Mayotte et nous avec elle pleure ses morts et ses innombrables blessés.

Mayotte manquait déjà de tout. Le cyclone tropical Chido lui a enlevé ce qui lui restait. Des vies d’abord, à tel point que les autorités sont incapables de dire à cette heure le nombre de victimes. Paysage d’apocalypse, les bidonvilles ont été transformés en cimetières. Les toits des fragiles habitations se sont envolés comme des feuilles de papier, jetant par milliers les familles dans des rues et des chemins encombrés d’un innommable fatras d’arbres déchiquetés, de planches broyées et de tôles tordues. 

Le département le plus pauvre de la sixième puissance mondiale s’est transformé en espace fantôme de désolation et de larmes. La violence du vent, excitée par le réchauffement de l’océan, s’est vue grossie de la précarité humaine, du chômage, de la pauvreté qui frappe les trois quarts des habitants, du manque d’eau potable et du choléra. Voici qui rend ridicules les moulinets d’un ancien ministrion de l’Intérieur, du nom de Darmanin, qui, en ces lieux il y a plusieurs mois, bave aux lèvres et poigne de fer, vantait à la télévision ses mérites de destructeur de bidonvilles et de soldat-chef de la « croisade » contre les migrants. Et, l’actuel ministre, fait savoir son obsession pour l’archipel : L’immigration. Abject ! 

Ceux qui, depuis quelques heures, versent leurs petites larmes de crocodile et se font filmer la mine sombre, tantôt dans des cellules de crise, tantôt dans des déplacements mis en scène, tantôt dans des prises de parole calibrées… Tous ceux-là sont les mêmes qui ont laissé Mayotte se délabrer, s’affaisser, s’appauvrir jusqu’à la tragédie. Ce sont les mêmes qui veulent nous endormir de leurs funèbres musiques austéritaires et leurs refrains sur la nécessité d’amaigrir l’État jusqu’à l’os. 

Les mêmes qui ont déchiré sans les lire les rapports qui alertaient sur la nécessité de mettre en place des dispositifs de prévention des risques naturels. Les mêmes qui ont détruit les quelques structures de prévention des risques qui existaient. Les mêmes qui ont toléré la vie chère à Mayotte et refusé les convergences des droits sociaux entre les Mahorais et les autres Français. Les mêmes qui ont bloqué l’alignement du Smic et des minimas sociaux de Mamoudzou sur ceux de Paris. Ils ont sali la République qui a négligée une partie d’entre nous.

Du reste, ceux qui viennent au secours des populations mahoraises ne sont pas ceux qui apparaissent sur les écrans avec leurs beaux costumes et leurs mots ronflants, mais les agents publics, de l’hôpital, des écoles, de la gendarmerie, des pompiers, de l’armée, de l’équipement, des services préfectoraux aux côtés des grandes associations de solidarité. Ceux que les puissants traitent, en temps normal, de « feignasses » ont agi bien avant toute causerie et toute visite ministérielle. 

Les mêmes qui vilipendent les services publics sont ceux qui détricotent tout projet, aussi maigre soit-il, de transition environnementale, comme cela se passe en ce moment même au Parlement européen et à la Commission européenne. 

Ils n’ont que faire des êtres humains. Mayotte n’est pour eux qu’un lointain point sur la carte, un laboratoire expérimental de la remise en cause du droit du sol. Mais surtout, pour eux, Mayotte n’est qu’une colonie stratégique au large de Madagascar, au cœur du canal du Mozambique où circule le pétrole, et en Indo-pacifique où, en ces troubles temps, on dépoussière les canons du nationalisme et des guerres. Pour les pouvoirs au service de la haute bourgeoisie, Mayotte est une « zone géostratégique », et non un espace de vie humaine, animale et végétale. 

L’ampleur des catastrophes et les terribles effets de celles-ci ne peuvent être pensés sans prendre en compte les rapports sociaux de domination. Un cyclone est d’autant plus puissant que le mode de production capitaliste et le traitement colonial laissent béantes les portes des désastres annoncés. Le capitalocène est le nom de cette ère où un système économique engendre et accentue des perturbations qui compromettent les conditions d’habitabilité de notre planète. 

Le comportement colonial détourne regards et projecteurs sur l’immigration et la stigmatise pour mieux laisser les populations vivre dans la misère et des habitats plus que précaires, privées d’eau potable, de services de santé, d’écoles et de services publics. C’est abominable. C’est insupportable. 

Si les pouvoirs publics de notre pays avaient une autre conception de leur rôle, ils auraient pu depuis longtemps engager le vaste chantier d’adaptation de l’île aux risques naturels, ils auraient dépollué l’eau, stoppé la déforestation, reconstruit les réseaux. Autant d’actions qui tournent le dos à la restriction austéritaire des crédits publics et au colonialisme. 

Toutes et tous Mahorais

Soyons solidaires immédiatement pour apporter les aides indispensables aux Mahorais, avec les associations et les municipalités. Dans l’immédiat, il faut gagner la course contre la montre engagée contre la faim, la soif, les maladies, le soin aux blessés. Agissons pour obtenir une solidarité européenne et, au-delà, la solidarité internationale. Surtout, soyons solidaires dans un combat qui doit être engagé pour obtenir les moyens d’une reconstruction du département. 

Il faudra tout réparer, tout reconstruire : les maisons et la nature, les champs et les êtres humains.

Mayotte n’est sans doute pas Notre-Dame de Paris qui a fait l’objet de tant d’engagements financiers, politiques, techniques et humains. Mais la situation de Mayotte exige un engagement de plus grande ampleur et avec la même diligence.

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