Je ne donne pas le tocsin, ni ne détiens le pouvoir divin
Je conduis le train »
Ces lignes sont écrites par Mattia Filice dans un premier roman, « Mécano », (éditions POL), où il nous parle de son métier. Conducteur de train depuis 2004, au début, il ne connaissait rien du monde ferroviaire. Aujourd’hui, dans ce livre puissant, écrit en prose et en vers, il nous embarque, à ses côtés, dans un récit dont la lecture est bouleversante d’humanité et de justesse.
Je connais bien la gare de Pau. Celle de Montparnasse aussi. Rien n’est plus agréable que le temps ferroviaire. Qui peut aussi être celui de la lecture.
Mattia Filice, lui, c’est 18 années à la SNCF, 14.328 trains, 232.254 arrêts à quai , 481.346 kilomètres et 795 282 436 traverses.
Que nous dit-il ?
« Le corps enregistre tous ces réveils artificiels et on finira par payer la note, il n’oubliera pas (…) On craint la Faucheuse mais je pense que la fatigue est la rencontre la plus douloureuse. On ne peut pas demander aux voyageurs de s’arrêter cinq minutes le temps de récupérer ». Invité de la matinale de France Inter, le cheminot-poète parle du service public.
Au sujet de la réforme des retraites, il va à l’essentiel : « Je serais partisan qu’on se répartisse le temps entre tous ». Il pose la question de la durée du temps de travail. Il a choisi un travail à 80% à la naissance de son enfant.
Il nous parle aussi de la fraternité humaine au sein de la famille cheminote, de l’entraide, des solidarités au quotidien, des moments de joies. Des plus douloureux aussi. Et puis encore ceci : « il y a une intelligence qui est sous-utilisée ».
L’intelligence est dans ce livre.
On le referme avec une pensée en tête : voilà ce qui doit être discuté ! La réalité des vies au travail. Mettre l’expertise de ceux qui connaissent les métiers au cœur de nos débats et des décisions à prendre. Ne plus accepter les comportements de ceux qui nous détournent de l’essentiel et dont l’agenda – personnel – ne peut faire dérailler l’action collective.