« Vu du Béarn », la chronique d’Olivier Dartigolles. C’est une fin de matinée comme je les aime. Été indien béarnais. L’air est déjà tiède et j’imagine ce que pourraient être des taches de soleil sous les arbres maigrichons devant le « café de Pau ». C’est l’occasion d’échanges impromptus avec des habitants qui interpellent l’élu local ou un visage « vu à la télé ». Quelques secondes ou quelques minutes. Sur les petits aléas de la vie ou les grands tracas. Le savez-vous ? 20 % de notre vie sont occupés par des échanges oraux et nous nous parlons depuis… Cinquante mille ans. Encore faut-il bien tendre l’oreille et, quand cela s’impose, ne pas interrompre son interlocuteur.
La femme qui s’approche vient de faire son marché aux Halles et me conseille de ne pas perdre de temps, « il reste quelques cèpes ». Elle en a acheté deux, « un petit et un moyen pour faire une omelette à ma mère ». Puis, elle parle vite, vite, comme si le temps lui était compté. De ses deux enfants, dont l’un fait des études de géomètre, « vous en pensez quoi ? ». Puis de la prochaine facture d’électricité qu’elle redoute en faire « des cauchemars ». Elle n’aime pas les chaînes d’infos mais elle passe toute ses journées devant l’écran TV. « Je n’arrive plus à lire alors que j’ai été une grande lectrice…je n’arrive plus à me concentrer ».
Puis silence. Net. Avant de dire ceci : « je ne travaille plus après 30 ans dans le commerce ». Une grande enseigne. Et puis, un nouveau « chef qui m’a stressée … rien n’allait plus … je n’y arrivais plus … ». Rupture conventionnelle.
Je dis : « vous étiez fatiguée ».
Elle répond : « on peut dire les choses comme ça, oui… ». Puis elle ajoute : « je ne suis ni en emploi, ni à la retraite. Il me reste 4 ans d’après moi, mais je ne suis pas très sûre ». Et maintenant ? On parle un peu de la réforme des retraites. Elle sourit quand j’évoque le départ à 60 ans. « Jamais ! Ils ne voudront jamais… Allez aux Halles vendre des salades ! »
Ni…ni…
Où quand il n’y a ni tranquillité pour le présent, ni espoir pour l’avenir.
Ni emploi, ni formation, ni retraite.
Ni…ni…ni…
Et puis on se sépare avec la recette de l’omelette aux cèpes.
Elle s’en étonne : « vous cuisinez ? »
« Oui, et c’est pas mal avec une salade ».
Quand les arbres de la rue Carnot auront pris un peu de vigueur, qu’en sera-t-il des femmes et des hommes après 60 ans ? Et de cette zone grise entre travail et retraite ?
Image par Николай Начев de Pixabay.
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