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« Ouvrez les yeux »

« Vu du Béarn », la chronique d’Olivier Dartigolles. Christophe Govillot, pilote de Canadair, est le porte-parole du Syndicat national du personnel navigant de l’aviation civile. Dans un entretien accordé à Sud-Ouest le 16 juillet, après huit heures de vol et près d’une soixantaine de largages d’eau sur les feux dans le Sud-Gironde et le bassin d’Arcachon, cet ancien pilote de chasse exprime très clairement la situation et les besoins pour y faire face. « À notre direction, aux politiques, je dis simplement : Ouvrez les yeux, donnez-nous les moyens de travailler. Des efforts ont été faits mais la réponse n’est pas à la hauteur. Avec le réchauffement climatique, on ne va pas vers des étés plus sereins. Chacun est face à ses responsabilités, nous assumons les nôtres, à nos décideurs de prendre les leurs ».

Et plus précisément ? Commençons par la flotte d’avions de lutte anti-feu située à Nîmes. A l’été 2019, sur cette base de la Sécurité civile, il y avait vingt-deux avions en capacité de voler. On n’en compte plus que treize aujourd’hui. Sur les douze Canadairs, neuf sont opérationnels. La flotte est vieillissante. La maintenance, aux mains de sociétés sous-traitantes, n’a pas suivi.

Il y a donc urgence à investir et à ne plus faire venir les avions d’est en ouest en donnant à la Nouvelle-Aquitaine les moyens dont elle a besoin en équipements et en effectifs. Mais il faut aussi parler des enjeux industriels. Bombardier a stoppé sa production. C’est aujourd’hui la société Viking Air qui propose un nouvel appareil. L’investissement dans une chaîne de production était conditionné à des commandes publiques. « L’Europe a acheté douze appareils, la France en aura deux, mais pas avant 2025. Notre pays ne s’est pas positionné pour en acheter. Plus on attend, plus ça décale dans le temps, et nos canadairs ne seront pas fringants » constate Christophe Govillot.

Et enfin, les moyens humains. Un avion ne peut pas voler plus de huit heures. Quand deux avions se sont posés à Mérignac, ils auraient pu repartir mais il n’y avait pas de pilotes pour retourner combattre les feux et aider les pompiers au sol. Ces mêmes pompiers, héroïques, décrivant un véritable enfer.

« En tant que pilotes, ça nous fait mal » témoigne Christophe Govillot. Il y a seize commandants de bord alors qu’il en faudrait vingt-deux. Le 1er juillet dernier, après un mouvement social inédit au sein de la Sécurité civile, Gérald Darmanin a signé un protocole d’accord avec de premières avancées, dont la reconnaissance du statut de « métier à risque » pour les pilotes…

Merci à Xavier Sotta, journaliste à Sud-Ouest dans le Sud-Gironde, pour un article qui met la plume dans la plaie. Je connais bien ces landes girondines. Cette forêt si magnifiquement décrite par Mauriac est aussi celle de mes racines familiales. La forêt des luttes des métayers et des résiniers (une pensée pour Jean Lespiau qui a tant et si bien parlé d’eux), d’Uzeste musical et des baignades à Hostens. 

« Vu du Béarn », les pyrénéens ont constaté qu’un léger vent provenant du nord puis de l’ouest, après avoir traversé les Landes, était accompagné de panaches de fumées et d’odeurs d’incendies. Alors que les feux ne sont pas fixés au moment où ces lignes sont écrites, le pic de canicule à Pau est attendu pour ce lundi avec une prévision à 40 degrés. Et 42 degrés sur la côte basque.

« Ouvrir les yeux »…on brûle.

Pour la climatologue Valérie Masson-Delmotte ( Le Monde 17/07), « les phénomènes que l’on subit aujourd’hui sont des précurseurs d’évènements qui vont devenir plus fréquents et plus intenses à l’avenir ». Face aux risques du changement climatique, aussi complexes que vitaux, on ne pourra plus seulement gérer les crises. Le dos au mur, dans la sidération et le malheur. Il s’agit donc d’anticiper, de s’y préparer, de bifurquer, de penser différemment, d’agir à tous les niveaux pour de profondes transformations.


Image par RENE RAUSCHENBERGER de Pixabay.

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