« La Palestine brûle, et nous regardons ailleurs », voilà ce qu’un président français, serviteur d’une paix juste et durable au Proche-Orient, devrait dire. Mais de l’Élysée, c’est le silence. Un silence certes un peu gêné, un peu honteux en vérité. Un silence pas complètement assumé dont ce « résident de la République (1) » ne sort que quand la situation lui semble opportune, et qu’elle a les apparences d’une bonne vieille guerre de religion. Se parant alors des habits de champion de la lutte contre l’antisémitisme, c’est là qu’Emmanuel Macron tonne, raide comme un piquet, moralisateur. Lâche.
Car la plupart du temps, pour lui, la lutte contre l’antisémitisme se réduit à une tactique, un coup de billard à deux bandes. Lui, le premier, ce président réélu par défaut face à l’extrême droite, refuse de comprendre que l’antisémitisme est de retour à plein en Europe, en France, dans le monde, qu’il englobe juifs et arabes dans sa haine, qu’il nous vise toutes et tous avec nos singularités ; qu’il « a pignon sur rue, des adeptes, un parti (2) » ; et que si rien n’est fait, demain, c’est le néo-pétainisme le plus violent qui entrera à l’Élysée.
Le silence, donc. Oui, le silence devant le feu qui court et ravage tout, dans les territoires palestiniens occupés par Israël ; tout, à commencer par l’espoir.
La réalité coloniale
Tous les jours, si vous vagabondez sur X (anc.Twitter) et consultez les fils d’information spécialisés dans l’actualité internationale, vous constaterez que, sans que vous n’en entendiez parler sur les grandes chaînes d’info, des Palestiniens, souvent jeunes voire très jeunes, femmes ou hommes, meurent abattus par l’armée israélienne ou roués de coups par des colons éructant de haine.
Tous les jours des morts, des dizaines de blessés. Des morts qui ne font pas plus la une des journaux, ou si peu et si mal, que ces migrantes et migrants qui perdent la vie par dizaines en plein Sahara ou en pleine mer.
Aucune de ces morts-là n’est un accident mais – quand bien même on finit par apprendre leurs noms : Fatti et la petite Marie dans le désert, Reza ou Ayran en Méditerranée, Shireen ou Hamza en Cisjordanie ou Gaza – leur disparition ne fait pas le poids. En ce monde, il vaut mieux être milliardaire et s’embarquer, contre toute raison, dans un sous-marin en Lego en croyant découvrir un trésor dans les abysses pour espérer intéresser BFM.
Trop d’ombre confine évidemment à l’obscurité. Certains, ainsi tapis dans leur indifférence au genre humain, nous ont imposé une loi du silence qui fait fi des réalités humaines, sociales et politiques, des intérêts économiques, des principes du droit international car, cette loi du silence sert l’impunité coloniale. « Co-lo-ni-sa-tion », voilà un mot interdit. La réalité crue, la réalité quotidienne d’un peuple abandonné par la « communauté internationale » (comprendre : les grandes puissances occidentales), c’est-à-dire par ces parangons des droits humains et de la démocratie qu’ils vident de leurs sens.
Un peuple colonisé et des colons, voilà la réalité quotidienne qui tue des dizaines de femmes, d’hommes et d’enfants, qui détruit tout – même les écoles bâties aux frais de la coopération européenne (3) – éloignant celles et ceux qui restent en vie toujours un peu plus de toute paix. Colonisation selon laquelle la vie d’une ou d’un Israélien « vaut » celles de dix, de 100 Palestiniens qui paieront collectivement pour le crime (souvent l’insoumission) de l’une ou l’un des leurs. Et, la plupart du temps, tous les jours même, il n’y a plus d’autre raison que celle, impérieuse pour l’extrême droite israélienne, de parachever la colonisation des territoires palestiniens occupés (4).
Certes, quelques journaux télévisés de 20 heures ont bien dû se résoudre, en juillet, à nous montrer les extraordinaires manifestations contre la réforme de la Cour suprême israélienne du Premier ministre proto-fasciste Benjamin Netanyahu, mais en passant outre les slogans, banderoles et panneaux dénonçant l’apartheid israélien. Cela n’avait pourtant rien d’anecdotique.
Et pendant qu’ici, de prétendus amis du peuple palestinien opposent, dans leurs sordides calculs, cette tiède amitié à celle, bien réelle et constante, qu’ils nourrissent envers les dirigeants israéliens… Et pendant que ces derniers, des racistes et xénophobes qui sont au pouvoir à Tel Aviv depuis trop longtemps, jouissent d’une impunité absolue… C’est de Palestine et d’Israël même – là où réside la réalité de la lutte pour la justice et une paix durables – que proviennent d’inédites jonctions de mobilisation qu’on pensait pourtant impossibles encore la veille ; et parce qu’il s’agit d’un « même combat (5) ».
C’est surtout en Palestine, en Cisjordanie occupée, à Jérusalem-Est avec la famille Sub Laban expulsée de chez elle par une bande de colons (protégés par la police et l’armée israéliennes), à Hébron ou à Naplouse, ou encore à Gaza – illégalement placé sous blocus depuis 2007 par Israël avec le soutien de l’Égypte – que la naissance et l’avenir d’un État palestinien – dont personne ne veut – se décide et se joue.
« Aucun arbre ne met la main sur le fruit d’un autre »
« Les peuples sont des arbres qui fleurissent malgré la mauvaise saison », écrit l’Haïtien Jacques Stephen Alexis (6) ; et si, aux côtés du peuple haïtien, il est un peuple dont la colonisation incessante depuis plusieurs décennies demeure incapable de le réduire à néant, c’est le peuple palestinien.
Oui, le peuple palestinien, comme tout peuple, est un arbre. Un arbre que Mahmoud Darwich (7) et Tewfik Zayyad (8) – les deux frères en résistance, les deux combattants de l’émancipation, les deux hérauts du Proche-Orient, les deux voix de leur peuple et de l’internationalisme – ont chanté. « Aucun arbre ne met la main sur le fruit d’un autre ou ne se moque de lui s’il est stérile. Aucun arbre, imitant le bûcheron, ne tue un autre arbre (9). » Ils l’ont dansé, cet arbre, trop souvent aussi ils l’ont pleuré mais, toujours, ils l’ont aimé, nourri sa sève et préservé ses feuilles.
Le peuple palestinien, comme tout peuple, comme le peuple israélien, son frère, est un pan à part entière de notre commune humanité. Voilà pourquoi, un jour de 1997, un être comme Nelson Mandela – qui avait, avec l’immense majorité des Sud-Africains, une intime connaissance de ce que peut être un régime inhumain – a dû rappeler à tous : « Nous ne savons que trop bien que notre liberté est incomplète sans celle des Palestiniens. »
Le « sionisme vert »
Puisque le silence est imposé, parlons. C’est le moins que l’on puisse faire à des milliers de kilomètres, nous qui sommes à l’abri : brisons l’omerta.
À Hébron, Jénine ou bien Jérusalem-Est, en « zone A (10) » de Cisjordanie occupée (où l’Autorité palestinienne, qui siège à Ramallah, est censée garantir l’administration et la sécurité publique), tous les jours des colons israéliens attaquent, dévastent, tabassent, tirent à bout portant – le plus souvent, au vu et au su de soldats israéliens qui les regardent faire, pour certains le sourire aux lèvres.
Le 23 janvier 2023, l’agence de presse palestinienne, WAFA, publie une brève dépêche. « Jeudi, les forces d’occupation [israéliennes, NDLR] ont notifié de déraciner plus de 100 plants d’oliviers à Masafer Yatta au sud d’Hébron. » « Déraciner des arbres… » ? Pourquoi ?
Masafer Yatta, ce nom vous dit quelque chose mais c’est récent pour vous, et peut-être vous évoque-t-il, comme à moi, quelque chose d’effroyable, une sourde peur, de la souffrance mais aussi quelque chose à la fois de doux et de fort quand bien même si fragile.
C’est une étendue semi-désertique que Masafer Yatta composée de douze villages regroupant quelque 2 500 habitants, qui vivent encore pour l’essentiel du pastoralisme malgré une quasi sédentarité. L’archéologie situe au deuxième millénaire avant notre ère les premières traces de présence humaine dans cette partie ingrate de la Cisjordanie occupée.
La vie difficile sous ce climat aride est rendue infernale par la colonisation israélienne puisque les habitants palestiniens « n’ont pas accès aux routes principales à cause de l’avant-poste israélien situé tout proche, et sont forcés de faire de longs détours par des pistes. L’accès [payant – NDLR] à l’eau est un autre problème à surmonter (11) ».
Dans le projet sioniste tel que conçu par Théodore Herzl (12), fin xixe siècle - début xxe siècle, mais surtout dans le projet de « foyer national juif » de Chaim Weizmann (13), dès la Première Guerre mondiale, le contrôle des sources et cours ou étendues d’eau (14), d’une part, et l’afforestation (c’est-à-dire, le remplacement systématique des espèces indigènes par des essences importées), d’autre part, président aux prémices d’« un programme méthodique (…) de mainmise sur les terres palestiniennes (15) ».
Occupé dès le lendemain de la guerre des Six Jours en 1967, Masafer Yatta a été arbitrairement classé « zone militaire » (« zone de tir 918 », en anglais : « firing zone 918 ») par les autorités israéliennes, dans les années 1980. Ainsi se succédèrent cinquante-six années d’injustices, de destructions, de violences continuelles, de déplacements forcés pour celles et ceux qu’on appelle encore aujourd’hui les bédouins. Plusieurs hameaux ont déjà été rayés de la carte et, en mai 2022, la Haute Cour de justice israélienne a statué en faveur de l’expulsion de huit communautés supplémentaires (16).
Déraciner 100 plants d’oliviers
Déraciner les arbres des populations palestiniennes est un acte politique tout autant que symbolique. « L’impératif est alors de conforter et de renforcer l’État [d’Israël – NDLR] face aux pays voisins et aux pressions des Palestiniens qui réclament le droit au retour. Les forêts ont joué un rôle insoupçonné, et le pin a été une arme dans cette guerre (17). »
Au cours des années 1920, un « sionisme vert », non dépourvu de verve « nationaliste et militaire » soulignent les paysagistes Nadav Joffe et Adèle Ribuot, émergera de la vision incarnée et développée quinze ans plus tôt par Aharon David Gordon (18) ; celui dont la pensée et les activités, à partir de 1904 en Palestine même, sont à l’origine du développement de kibboutzim (19). À l’olivier palestinien, donc, signe d’une prétendue dégradation des terres causée par la non moins prétendue négligence des populations arabes, sont opposés des essences non endémiques, conifères ou arbres à feuillage persistant – le pin, puis l’eucalyptus –, qui donneront littéralement vie aux descriptions bibliques de « forêts riches de douzaines d’espèces d’arbres, identifiés aujourd’hui comme étant le pin, le santal, le pistachier, le chêne, le cèdre, le tamaris, le cyprès, le saule, le genévrier, le peuplier ou l’acacia (20) ».
Or les paysages détaillés dans la Bible, ceux qui – et pour cause – nourrissaient un espoir de survie durant les pogroms, ne correspondent pas à celui de la Palestine, bien réelle, du début du xxe siècle. « À la fin du xixe siècle, le paysage palestinien de l’Empire Ottoman est fait de garrigues et de déserts. En raison du climat sec et aride, de l’importance du pâturage ou encore de la législation mise en place par le sultanat qui impose aux paysans une taxe sur chaque arbre, le territoire est très peu boisé, fait de collines “chauves” où apparaissent quelques arbres fruitiers et des oliviers (21). » Quelque temps plus tard, précisent Nadav Joffe et Adèle Ribuot, l’engagement des armées turques dans la boucherie de 1914-1918 conduit les autorités ottomanes, à court de bois, à abattre les derniers arbres de Palestine.
Le pin et l’olivier
Mais les sources bibliques « n’expliquent en rien le choix du KKL [Keren Kayemet Le’Yisrael, en français Fonds pour l’existence d’Israël (22)] de planter des espèces uniques, l’eucalyptus d’abord, le pin ensuite. Dans les années 1920, l’eucalyptus représente environ 80 % des arbres plantés par le KKL. Quant au pin, cité une fois seulement dans la Bible, il compose 98 % des boisements plantés en 1936. Aujourd’hui dans les forêts israéliennes, un arbre sur trois est un pin. »
En 1951, le Premier ministre David Ben Gourion lance à la tribune de la Knesset : « Nous devons planter des centaines de milliers d’arbres dans une étendue de 5 millions de dunams (5 000 km2), un quart de la surface de l’État. Nous devons couvrir de bois toutes les montagnes du pays et leurs versants, toutes les collines et les terres rocailleuses peu propices à l’agriculture, les dunes du littoral, les terres arides du Néguev […]. Nous ne faisons que commencer à réparer l’avilissement causé aux générations, l’avilissement causé à la nation et l’avilissement causé au territoire (23). ».
Plus d’un siècle après l’implantation du « sionisme vert » d’A. D. Gordon, à Masafer Yatta, c’est cette histoire coloniale, d’une violence inouïe, inhumaine, dont la rivalité des puissances occidentales est l’une des causes majeures, qui se poursuit. « Le Code foncier ottoman de 1858, dont une adaptation est toujours en vigueur dans les territoires occupés, sert de base aux législations britannique puis israélienne. Il a permis et permet aujourd’hui encore l’expropriation des terres palestiniennes (24). »
Entre-temps, l’État israélien s’est, à grand renfort de publicités, offert un label écologique et environnemental ; il a fait « fleurir le désert » : mais à quel prix ? Celui de la domination de tout un peuple, de son écrasement. Selon le quotidien israélien Haaretz : « Compte tenu de l’expulsion sélective fondée sur la nationalité, il ne sera plus possible de réfuter l’argument selon lequel un régime d’apartheid a remplacé l’occupation militaire dans les territoires. L’occupation est par définition temporaire ; l’apartheid est susceptible de perdurer à jamais. La Cour suprême l’a approuvé(25). »
Apartheid, stade suprême du colonialisme
Mais, sur le territoire israélien même, et singulièrement depuis l’adoption de la loi État-nation (dite « Loi fondamentale »), les conditions d’un régime d’apartheid se renforcent chaque jour. La partition interne de la société israélienne et la catégorisation de sa population, l’interdiction de l’accès à certains emplois de catégories spécifiques de ladite population, l’assignation de villes respectives, de voies de communication interdites aux Palestiniens mais surtout des lois sur la propriété foncière excluant des catégories de population sont parmi les fondements de la société d’apartheid, inventée en Afrique du Sud au cours des décennies 1948-1961, et encore soutenue au milieu des années 1980 par des pays dirigés par des gouvernements réactionnaires et néoconservateurs comme ceux d’Israël, peu gênés alors par l’antisémitisme des autorités sud-africaines d’apartheid.
Dans le prolongement de trois cents ans de colonialisme européen en Afrique australe, l’apartheid sud-africain a été élaboré à partir de lois structurantes, tout au long des années 1950, qui ont tenté de figer l’organisation de la société et qui ont parachevé la ségrégation et la discrimination raciales (26). Bien que programme politique des nationalistes Afrikaners, l’apartheid en Afrique du Sud n’a jamais été décrété du jour au lendemain, et nous reviendrons prochainement sur cette histoire.
Retenons simplement pour l’heure que la possession de la terre et la propriété des moyens de production, les droits de circulation et de résidence, et un dispositif législatif répressif et « sécuritaire » (comme nous disons de nos jours) complet sont les trois piliers d’un régime d’apartheid (27), et que l’État d’Israël a entamé un processus de cet ordre adapté aux spécificités de la société israélienne, de la colonisation et de l’occupation des territoires palestiniens. Ce qui distingue sur le fond les deux expériences porte sur la nature des combats politiques des peuples sud-africain et palestinien ; et sur la nature du combat politique contre le régime d’apartheid dans les territoires occupés et en Israël même.
En résumé, le peuple sud-africain a lutté pour la reconnaissance de ses droits politiques, économiques, sociaux et humains et sa pleine citoyenneté sud-africaine, à égalité stricte avec les « blancs » (une catégorie d’apartheid), uniques bénéficiaires du régime d’apartheid, tandis que le peuple palestinien se bat pour la reconnaissance de ses droits, politiques, économiques, sociaux et humains et de son droit légitime (et prescrit par les résolutions internationales de l’Onu) à un État indépendant, démocratique et souverain, dans les frontières de 1967 et avec Jérusalem-Est pour capitale, en paix avec son voisin, Israël.
La lutte contre l’apartheid dans les frontières d’Israël est similaire à celle menée pendant des décennies par les Sud-Africains mais elle ne résout, ni ne dépasse et encore moins ne révoque l’enjeu du respect du droit fondamental du peuple palestinien à disposer de lui-même dans les frontières de 1967 tel que stipulé par les résolutions onusiennes dont les membres du Conseil de sécurité sont censés se sentir garants.
En lieu et place des investissements d’entreprises privées et nationales françaises et européennes dans les colonies israéliennes (illégales !), un large mouvement et maillage de solidarité internationale, simplement fondé sur le respect du droit international et des résolutions de l’Onu, avec pour seul objectif une paix juste et durable, peut imposer une coopération renforcée, massive, avec les agriculteurs, pêcheurs, bergers et artisans palestiniens que l’État d’Israël a rendus presque totalement dépendants de son économie. À l’heure actuelle, aucun investissement n’entre ou ne sort de Cisjordanie ni de Gaza, sous blocus depuis dix ans, sans l’aval des autorités israéliennes. c’est d’ailleurs le premier levier actionné par Tel Aviv lorsqu’il s’agit d’étouffer la résistance non-violente palestinienne.
La solidarité internationale, l’« arme » des peuples
De Gaza à Masafer Yatta, des femmes et des hommes, tous les matins, se lèvent et retournent aux champs, récoltent le raisin, les olives, mènent le troupeau à travers la garrigue, filent la laine, tissent et modèlent ces jolis vases ou plats que vous achèterez à Jérusalem-Est sans soupçonner le poids des souffrances qui les ont façonnés.
Il existe, en Bretagne, des femmes et des hommes, des artisans de la paix, qui ont construit une œuvre remarquable. En 2014, les membres de l’association France Palestine Solidarité de Cornouaille (28), également soutenus par l’AJPF (29), appuyés par des élus locaux comme le conseiller communiste de Quimper, Piero Rainero, ont établi un partenariat inédit avec une coopérative de producteurs de raisin d’Al Sanabel (sud d’Hébron), créée sept ans plus tôt. Confrontés sans cesse aux destructions, causées par les colons israéliens et l’armée d’occupation, les vignerons palestiniens, en demande d’échanges sur les techniques de production avec des collègues français, ont été reçus en Bretagne et dans les Pays de la Loire. À présent, en 2023, la coopérative qu’ils animent est devenue une structure dynamique viable (30). La force des peuples humiliés, celle des opprimés, reste leur nombre, et leur « arme », reste la solidarité.
Les gens de Masafer Yatta ont besoin de notre solidarité. Les Palestiniens ont besoin de notre solidarité, les Israéliens qui – de plus en plus nombreux – se lèvent contre l’extrême droite et les colons au pouvoir, ont besoin de notre solidarité. Et nous avons besoin de leur victoire pour notre propre émancipation. Saluons ici l’infatigable mobilisation des nombreuses forces en France (31) qui pallient, autant que faire se peut, l’indignité des dirigeants français actuels.
Le combat de celles et ceux de Palestine et d’Israël épris de justice et de paix triomphera. Il ne tient qu’à la solidarité internationale d’en hâter l’heure.
En reprenant le mot de Térence, disons ensemble : Rien de ce qui est palestinien ne nous est étranger.
NOTES
1. Alain Bashung, « Résidents de la République » (2008)
2. Louis Chédid, « Anne, ma sœur Anne » (1983)
3. Agence France Presse, 7 mai 2023.
4. Pierre Barbancey, « En Israël, le ministre des Finances dévoile son plan d’annexion des colonies », L’Humanité, 20 août 2023.
5. Lire Patrick Le Hyaric, « Démocratie en Israël et libération de la Palestine : même combat », 23 août 2023.
6. « Les peuples sont des arbres qui fleurissent malgré la mauvaise saison…. », Jacques Stephen Alexis (1922-1961), poète, dirigeant communiste haïtien assassiné par les Tontons macoutes, milices du dictateur F. Duvalier. Lire Michel Séonnet, Jacques Stephen Alexis ou le voyage vers la lune de la belle amour humaine, Coaraze (Alpes-Maritimes), L’Amourier, 2022.
7. Mahmoud Darwich (1941-2008), poète et écrivain palestinien, membre du Parti communiste israélien dans les années 1960 et du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à partir de 1987. Lire poème dans l’encadré.
8. Tewfik Zayyad (1929-1994), poète, dirigeant communiste et maire de Nazareth. Lire poème dans encadré.
9. Mahmoud Darwich, « Les derniers poèmes », La Pensée de midi, 2008/4, n °26, Arles, Actes sud, pp. 237 à 242.
10. L’accord de Taba (ou Oslo II) du 28 septembre 1995 entre Israël et l’Autorité palestinienne, tout juste créée, divise en trois zones (A, B et C – voir carte) les territoires palestiniens de Cisjordanie et Gaza.
11. Document du Comité international de la Croix-Rouge.
12. Theodor Herzl (1860-1904), journaliste et écrivain austro-hongrois, fondateur du sionisme moderne. Pour une histoire du sionisme: lire Bernard Ravenel (1936-2023), « Les fondements historiques du sionisme politique », Les Cahiers de l’AFPS, n° 7, 2005. La conclusion (“Pour une critique du paradigme sioniste”) livre des clés de compréhension de débats actuels, en particulier sur la question de l’apartheid en Israël et dans les territoires occupés.
13. Chaim Weizmann (1874-1952), scientifique à l’origine de l’invention de l’acétone, né en Biélorussie puis devenu sujet britannique en 1910. Acquis très tôt aux idées sionistes, il participe au premier congrès sioniste (Bâle, août 1897) présidé par T. Herzl. Après avoir été président, de 1920 à 1930 puis de 1935 à 1946, de l’Organisation sioniste mondiale, C. Weizmann sera le premier président de l’État d’Israël.
Sur le rôle et les positions de C. Weizmann dans les enjeux du Proche-Orient, les stratégies des grandes puissances occidentales pendant la Première Guerre mondiale et les accords Sykes-Picot (1916), puis dans la conception de la déclaration Balfour de 1917, écouter le cours d’Henry Laurens au Collège de France, « Indépendance ou consentement », Les crises d’Orient : le Moyen-Orient à partir de 1914, Épisode 5.
14. Jacques Fontaine, « L’eau, enjeu du conflit israélo-palestinien », Les Cahiers de l’AFPS, n° 22, 2e éd. 2016, 92 p.
15. Nadav Joffe, Adèle Ribuot, « Les forêts, piliers de la colonisation en Palestine », OrientXXI, 28 novembre 2017.
16. Pierre Barbancey, « Face à Israël, l’opiniâtre résistance des Bédouins de Masafer Yatta », L’Humanité, 6 juillet 2022. Voir aussi le dossier complet du Comité canadien pour la justice et la paix au Moyen-Orient (CJPMO).
17. Nadav Joffe, Adèle Ribuot, « Israël-Palestine, des arbres qui cachent la colonisation », OrientXXI, 19 septembre 2018.
18. Aharon David Gordon, né en 1856 en Ukraine et mort en 1922 à Degania, était un intellectuel et pédagogue. Le premier kibboutz d’Israël a été fondé en 1909 au sud du lac de Tibériade.
19. Le kibboutz est une « exploitation agricole collective dans l’État d’Israël. Les premiers kibboutz, créés par les sionistes socialistes à partir de 1909, avaient un caractère militaire et agricole. Après 1948, les kibboutz constituèrent un secteur de pointe de l’agriculture israélienne » (Larousse).
20. Nadav Joffe, Adèle Ribuot [2018]
21. Nadav Joffe, Adèle Ribuot [2017].
22. Le Fonds pour l’existence d’Israël (Keren Kayemet Le’Yisrael, KKL), « créé en 1901, constitue la branche exécutive du mouvement sioniste en Palestine et est financé par les dons des communautés juives à travers le monde. En France, on l’appelle le Fonds national juif (FNJ). » Voir Nadav Joffe et Adèle Ribuot [2017].
23. Nadav Joffe et Adèle Ribuot [2017] et, plus loin : « Pour Ben Gourion, le projet d’afforestation (…) fournit de nombreux emplois et crée une rencontre entre le nouvel arrivant et le territoire (…) Dans le processus de fabrication d’une identité nationale et du sentiment d’appartenance (…) [elle] est un moyen pour celui qui rejoint les chantiers nationaux de plantation d’acquérir le statut “d’indigène” en participant à construire le pays, en posant son empreinte sur la terre. »
24. Nadav Joffe et Adèle Ribuot [2017].
25. Éditorial du journal Haaretz, 8 mai 2022.
26. Lydia Samarbakhsh, « Le démantèlement de l’apartheid » in Alain Renaut (dir.), Encyclopédie de la culture politique contemporaine, Hermann, 2008.
27. Na’eem Jeenah, « De l’Afrique du Sud à Israël : les trois piliers de l’apartheid », OrientXXI, 2 février 2023.
28. Comité régional de l’association France-Palestine Solidarité (AFPS).
29. Association pour les jumelages entre camps de réfugiés palestiniens et villes françaises (AJPF), co-fondée par les frères de résistance Fernand Tuil et Ahmad Muhaisen, aujourd’hui tous les deux décédés, et présidée à présent par Charlotte Blandiot-Faride, maire de Mitry-Mory (Seine-et-Marne).
30. « Soutenue par des Rennais, la coopérative palestinienne Al Sanabel a trouvé son rythme de croisière », Ouest-France, 1er août 2023.
31. Marion d’Allard, « En Palestine, des élus français pour la solidarité en actes », L’Humanité, 18 juillet 2023.
« Aucun arbre ne tue un autre arbre »
« L’arbre est le frère de l’arbre ou son bon voisin. Le grand se penche sur le petit et lui fournit l’ombre qui lui manque. Le grand se penche sur le petit et lui envoie un oiseau pour lui tenir compagnie la nuit. Aucun arbre ne met la main sur le fruit d’un autre ou ne se moque de lui s’il est stérile. Aucun arbre, imitant le bûcheron, ne tue un autre arbre. Devenu barque, l’arbre apprend à nager. Devenu porte, il protège en permanence les secrets. Devenu chaise, il n’oublie pas son ciel précédent. Devenu table, il enseigne au poète à ne pas devenir bûcheron. L’arbre est absolution et veille. Il ne dort ni ne rêve. Mais il garde les secrets des rêveurs. Nuit et jour debout par respect pour le ciel et les passants, l’arbre est une prière verticale. Il implore le ciel et, s’il plie dans la tempête, il s’incline avec la vénération d’une nonne, le regard vers le haut… le haut. Dans le passé, le poète a dit : “Ah si le jeune homme était une pierre !” Que n’a-t-il pas dit : “Ah si le jeune homme était un arbre ! » »
Source : “Mahmoud Darwich, Les derniers poèmes [inédits]” dans « Désirs de guerre. Espoirs de paix », La Pensée de midi, n° 26, Arles, Actes Sud, 2008, p. 238.
« Ici nous resterons… »
« Ici nous resterons,
Gardiens de l’ombre des orangers et des oliviers.
Si nous avons soif, nous presserons les pierres.
Nous mangerons de la terre si nous avons faim, mais nous ne partirons pas.
Ici nous avons un passé, un présent et un avenir. »
Tewfiq Zayyad (traduit par Mohamed Belaali).
Oslo II, matrice des trois zones
Oslo II, matrice des trois zones
La zone A
18 % de la superficie totale des territoires, sous
contrôle civil et militaire palestinien et englobant les grandes villes, à l’exception d’Hébron, (…) sous contrôle de l’armée israélienne.
La zone B
24 % du territoire, sous contrôle civil palestinien et sous contrôle militaire conjoint israélo-palestinien. Zones rurales et villages, essentiellement.
La zone C
Env. 60 % du territoire, c’est la seule bande de terre continue. Sous contrôle civil et militaire israélien, elle inclut les colonies israéliennes de Cisjordanie, Gaza (démantelées depuis 2005) et de Jérusalem-Est.
Source : Amnesty international, https://www.amnesty.fr/focus/accords-oslo.
Des centaines de villages palestiniens détruits
« Au lendemain de la guerre de 1948-1949, on estime que 615 localités palestiniennes sont détruites. Les terres sont nationalisées et le gouvernement vend au Fonds les « propriétés d’absents » afin que le Fonds national juif poursuive son processus de judaïsation et de désarabisation du territoire. Après la guerre de 1967, ce sont environ 195 localités syriennes et 75 localités palestiniennes qui sont détruites. Selon une étude de Noga Kadman, chercheur et guide pour l’association Zochrot, environ 200 villages dépeuplés et démolis sont aujourd’hui situés dans des parcs, des forêts ou des réserves naturelles israéliennes. Sur les 68 forêts et parcs qui appartiennent au FNJ, 46 dissimulent au total 89 villages palestiniens. »
Nadav Joffe, Adèle Ribuot, « Israël-Palestine, des arbres qui cachent la colonisation », OrientXXI, 19 septembre 2018.
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