L’éditorial de Patrick Le Hyaric, le 28 juillet 2022. Les sels de nitrite et de nitrate* sont utilisés par les transformateurs de viande pour écourter les procédés de transformation des charcuteries et d’en allonger la durée de conservation. Il faut en effet neuf mois pour produire un jambon cru sans additif, contre trois avec des nitrites. Il y a donc ici un important enjeu de gain économique. Ces substances sont présentes dans toutes les assiettes de charcuteries tout en étant désormais déclarées comme à l’origine de cancer colorectal. Et une suspicion existe aussi pour le cancer de l’estomac. En effet, le nitrite présent dans les aliments peut contribuer à la formation d’un groupe de composé baptisé nitrosamines dont certains sont cancérigènes. Telles sont les conclusions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Elle certifie les études du centre international de recherche sur le cancer, relié à l’organisation mondiale de la santé. Selon celles-ci, leur consommation serait annuellement à l’origine de 4300 cancers colorectaux en France. Les agences préconisent donc de « réduire l’exposition des populations aux nitrates et nitrites ». La ligue contre le cancer et le député du Loiret, M. Richard Ramos auteur d’un important et documenté rapport sur le sujet est plus radical, puisqu’il appelle à les bannir assez rapidement. C’est aussi le sens des actions des associations Food Watch et Yuka.
Le gouvernement s’était engagé à le faire après le verdict des agences scientifiques. Le débat est donc ouvert. Les responsabilités de chacun sont engagées. Faut-il faire primer la sécurité sanitaire des aliments ou la recherche de la rentabilité ? Les industriels de la charcuterie résistent. Mais la sécurité et l’intérêt général doivent présider. Il convient donc d’engager un processus progressif d’élimination des nitrites accompagné de la création d’un fond de transition de la filière pour préserver notamment les petites et moyennes entreprises de la filière. De grands groupes industriels mettent déjà en rayon des charcuteries sans nitrites. Ils le font plus pour leur image et leur santé financière que pour la santé humaine. En effet, en faisant ainsi perdurer deux gammes pour la même marque, dans un cas ils vendent plus avec moins de marge unitaire, dans l’autre ils font moins de volume avec plus de marge. Or, la santé n’a rien à voir avec des stratégies marketing. Et enfin, s’ils vendent déjà des charcuteries sans nitrites c’est bien qu’il est possible d’en produire.
(*) Les nitrites dans la composition des charcuteries se repèrent sous les codes E249, E250, E251 et E242.
Image par S. Hermann & F. Richter de Pixabay.
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